Agir sur les drogues au travail consiste aujourd'hui non pas à identifier et analyser les consommations de substances psychoactives comme «situations-problèmes», mais à organiser l’interdiction ou à gérer les incapacités et les troubles du comportement individuel. Les recommandations en prévention sont construites dans une perspective unique, les usages d’alcool ou de drogues seraient toujours à risque et l'abstinence serait synonyme de santé. L’ambivalence des consommations, le fait qu'elles puissent être aussi des ressources, est rarement décrite et analysée. Pour la première fois en France, un congrès Addiction et Travail, qui a lieu lundi et mardi au Beffroi de Montrouge, propose de changer de regard sur les interrelations travail, usages de substances psychoactives et méthodes de prévention. Interview avec Gladys Lutz, présidente d'Additra et chercheuse pour le projet PrevDrog-pro qui sera présenté lors du colloque.
Les trois spécialistes suggèrent ainsi "de prendre le temps, en tant que médecin du travail, représentant du CHSCT etc., de se poser concrètement la question des usages et du sens qu'ils peuvent avoir". Ce qui pose aussi la question des outils. "Pour nous, en tant que chercheurs, l'outil du dialogue, de l'échange, est un bon outil basé sur la confiance. Mais au sein des espaces professionnels, ça n'est pas évident", reconnaît Gladys Lutz. Deux freins sont à lever, selon elle : à la fois les stéréotypes qui existent sur l'usage des drogues (voir notre article) et "les difficultés que l'on peut rencontrer en tant que préventeur à pouvoir interroger le travail, et ses conditions". L'idée qui prévaut aujourd'hui, poursuit-elle, est en effet que les usages de drogues trouvent leur source dans la vie privée des individus.