En France et ailleurs en Europe, le métier d’ingénieur n’attire plus assez les jeunes talents, et cette pénurie met en péril mortel notre capacité industrielle. Pour les attirer, on promeut le leadership traditionnel ("l’ingénieur, premier de cordée") et l’innovation, comme production de l’intelligence ingénieriale. Dans les deux cas, un syndrome du "premier de la classe", loin des enjeux.
L’ingénieur collaboratif : des talents à mobiliser
Les jeunes générations sont avides de mobilité, de fluidité, d’échanges ad hoc, informels. Mais quelle plus belle occasion qu’une formation d’ingénieur, dès lors qu’elle ouvre au travail avec les autres, à la confrontation constructive avec d’autres rationalités, à la pratique d’autres expertises, dans le respect des contributions de chacun, plutôt que dans la recherche d’antiques hiérarchies, staliniennes statues qui n’attendent que d’être déboulonnées quand certains les maintiennent pour l’édification des masses.
Les jeunes font "leur marché" dans les formations, les expertises, les expériences professionnelles ? Et qu’importe, dès lors qu’ils se rassemblent au service d’un objectif commun. L’enjeu n’est en effet pas de les corseter, de les contrôler, de les brider, il est de les mobiliser. Mais c’est évidemment plus compliqué…
L’ingénieur, leader de demain, ne sera pas un "chef", pas plus qu’il ne sera un "subordonné". Il sera, comme d’autres, et peut-être mieux que d’autres, dans certains cas, un animateur de talents et de compétences, d’énergies et de projets.
La formation d’ingénieur n’est pas une échelle vers le "pouvoir", désormais inaccessible puisque partagé. Elle est une école de rigueur, de résolution de problèmes, de création de richesses. Elle ouvre sur le monde, pour aider à le comprendre, à y vivre mieux, mais sans chercher en vain à le dominer. Elle est donc, elle aussi, ouverte sur les autres.